Je me permets de t’adresser ces quelques mots. Tu sais, l’ambiance du salon, les jeunes, les professeurs, tout ça me fait replonger dans le temps.
La dernière fois qu’on s’est vu, j’étais en face de toi, dans une classe de vingt-quatre petits morveux de deuxième secondaire. Je dois te dire que je suis assez nerveux en écrivant ce papier. Je révise mes phrases et je place mes accords. Après tout, c’est toi qui avais l’habitude de corriger mes compositions.
C’est ton acharnement à vouloir me faire comprendre le participe passé qui a fait de moi un homme capable de s’exprimer en toute confiance. Pour un enfant, le participe passé, c’est l’Everest. Mon sherpa, c’était toi.
J’ai gravi cette montagne, ma main dans la tienne. Une fois au sommet, tu m’as ouvert les yeux sur le paysage. Un univers riche d’images, de littérature, d’expression, de confiance et de communication. Ma qualité de vie, au quotidien, je te la dois en partie. Je te dois la structure de ma pensée, dans l’articulation correcte de mes idées. Tu as eu le boulot le plus difficile d’entre tous, celui de me montrer comment construire une phrase comme on bâtit les fondations d’une maison. Ma charpente tient le coup Denise grâce à ton ciment, du ciment sans pyrrhotite, puisque je t’écris à Trois-Rivières. Je sens mes bases solides et aujourd’hui, je monte mon gratte-ciel sur le socle de ta patience. Tout ce que je peux te donner pour ta sueur, tes multiples corrections de copies et ta tendresse d’enseignante, c’est un mot, un simple mot : « Merci ».
Comme religieuse Denise, tu dois savoir plus que moi si Dieu existe. Une chose est certaine, la foi existe. Il faut avoir la foi dans l’homme pour faire ce que tu as fait. Il faut croire qu’un individu peut faire la différence dans la vie d’un autre. Si tous les humains ont une mission sur la terre, la tienne c’était de travailler, à créer dans l’ombre, des hommes et des femmes capables d’écrire correctement et de penser clairement. Les enfants ont besoin d’avoir un maître, un maître qui les éduque sans les juger, un maître qui a foi dans leur avenir. J’ai eu plusieurs maîtres, mon premier, c’est toi.
Ton élève te salue bien bas où que tu sois, Denise. Ton cadeau m’est précieux. Chacune de mes fautes d’orthographe, ton stylo rouge me suit. Chaque participe passé bien accordé, je sens ta main sur mon épaule.
Enseigner c’est aimer, merci de cet amour.
Merci à tous ces enseignants que j’ai vu aujourd’hui et qui deviendront d’autres Denise, pour d’autres Bryan.