Quatrième texte de l’écrivaine en résidence

Bonsoir.

Hier soir, à l’aube de la grande farandole slam qui a eu lieu ici-même, sur la scène Radio-Canada (ma mère patriiiiiiie 🎶), fut désigné dans un cancan sans pareil le tout dernier mot qui inspirerait un texte percolé dans cet étrange récipient sombre qu’est ma boîte crânienne, alimenté par je ne sais plus combien de burrito du Starbucks, le décompte est terrifiant (je risque d’ailleurs de perdre mon titre de patrimoine mondial de l’Unesco si l’on analyse mes selles) et ce mot, donc (SEIGNEUR), pointé dans l’essai  La fin du néo-libéralisme de Claude Vaillancourt publié chez Écosociété, c’était DANGER.

Je vais vous lire un texte sous le thème danger aurait tout aussi pu bien faire.

DANGER.

Je lisais, y’a pas longtemps que la peur numéro un des femmes quand elles partent faire de la randonnée pédestre, du hiking, un catwalk lululemon dans le parc national de Yosemite, ce n’est pas de se perdre en montagne. De périr sous un cactus. Ce ne sont pas les crampes au mollet ni de manquer de Gatorade, de mourir de froid, de rencontrer un cougar ou de sombrer dans un nid de vipères en hurlant sans laisser de trace.

La peur numéro un des femmes qui prennent une marche en nature, c’est de croiser un homme.

UN AUTRE RANDONNEUR.

J’ai même regardé plusieurs fois une vidéo explicative où une randonneuse experte nous donnait, et le plus sérieusement du monde, il n’y avait guère là trace d’ironie, des conseils sur le comportement à adopter en tant que femme seule qui croise un homme dans un sentier pédestre.

Prenez-vous mesure de ce que je viens de dire?

Nous là, quand on sort de chenous, on part avec notre petit guide de « comment ne pas mourir en passant près d’un nonagénaire endormi sur un banc de parc ». Dort-il vraiment? Fomente-t-il un assassinant sous sa lunette nasale? Une bombe minute enlignée sur mon pelvis? Est-il l’appât d’une embuscade, marionnette de cuir géante sous laquelle se cache un très petit loubar avec un canif et une capote Ramsès?

Ça fait des grosses journées, pareil.

On rit, on rit… mais on rit pas tant que ça.

Cette randonneuse, donc, experte en autodéfense, avait plusieurs conseils pour toute femme entamant la périlleuse aventure d’aller prendre une marche en nature. La première affaire qu’elle recommandait, c’était d’abord de stresser au max. De un. Mais surtout, de porter sa canisse de pepper spray anti-grizzli après sa bretelle de sac à dos. Bien en vue. Juste là. Dès qu’un randonneur-surprise croise notre route, il faut alors le regarder droit dans les yeux avec la vigueur oculaire de Pauline Martin et lui adresser le plus assuré des bonjour – GESTES DU COU (de la bretelle au randonneur, plusieurs fois de suite) – Il est d’ailleurs essentiel de bien s’échauffer le cou avant de partir en randonnée, les trapèzes et le muscle sternocléidomastoïdien, pétrissez-moi ça comme un pain tressé par matin de Pâques, tout ça, bien évidemment, pour faire sûr que le dandy promeneur a aperçu, noté et accusé la présence de ladite canisse, je le répète, destinée aux grizzlis.

Pas les niaiseries de poivre de cayenne à renard ou à simple être humain de base. À GRIZZLI. Le plus gros mammifère terrestre d’Amérique du Nord. Et quel est l’unique prédateur du grizzli? Hum?

Je vous le donne en mille : l’homme.

D’ailleurs, si vous croisez un grizzli, surprenez-vous pas s’il porte lui-même une canisse de poivre de cayenne anti-grizzli doctapée avec des branchailles pis une bonne chiquée de résine d’épinette noire après son petit sac à dos de randonneur carnivore, au cas où il croiserait un monsieur en bottes Merell.

Déjà hâte à la prochaine vidéo de cette flamboyante femme : magasiner en toute quiétude dans le Vieux Québec à l’aide d’un lance-flammes et d’un peu de chaux.

Non mais vraiment, chaque jour qui se lève sur ma croupe effarée, je tâche et je m’échine à me calmer le porte-crotte.

You is kind

You is smart.

You is important.

You is en sécurité.

Y n’a pas, de danger.

Les hommes le sentent, dans ma dégaine, que j’ai pas peur. « Marche d’un pas assuré! », m’a-t-on une fois vivement recommandé. Les prédateurs repèrent leurs victimes en quelques secondes à peine, de par le rythme de leur pas, leur posture et la qualité de leur coiffure (une queue de cheval? C’est une invitation à se faire traîner dans le coffre d’un char, ça. N’aguichez pas de votre chevelure, pauvre étourdie! (précepte numéro deux. Mais souciez-vous davantage de votre démarche. Je sors d’ailleurs jamais acheter une pinte de lait sans avoir la dégaine de Sylvester Stallone dans Arrête ou ma mère va tirer!

Si l’on me cherche, on me retrouve généralement AUSSI après boxer sur une carcasse de bovidé congelé dans le fond d’un frigidaire de binerie.

Cette vie n’est absolument pas terrifiante. Tout est normal. Rien à signaler.

L’an passé, un homme a aspergé de gazoline une femme tout à fait au hasard dans l’autobus, comme ça, sans la connaître ou avoir ne serait-ce qu’un début de boutte de dent contre la passagère et hop! Vive la France! Il y a mis le feu, comme ça, brûlée vive parmi les bancs recouverts de tapis arc-en-ciel JUST BECAUSE HE COULD parce que quand on y pense, pourquoi ne pas obéir à chaque calvaire de pensée intrusive qui éructe dans notre noix.

Un escalier en colimaçon?

J’AI ENVIE D’Y LANCER TRENTE CHÈVRES, HOLD MY BEER, JE REVIENS AVEC LE BÉTAIL, LA PIQUETTE ET LE MOTOWN POURQUOI M’EN PRIVERAIS-JE MERCI.

Je promenais ma vieille fille, l’autre jour (je parle ici de mon doux caniche gériatrique aveugle, quasi sourde et en proie à la démence. Un fort beau modèle, synonyme même de l’affriolance), au parc. Je laissais la brise des promesses printanières me faire onduler la chevelure, en pyjama, bottes de cowboy, manteau ouvert, cousine de la chienne à Jacques abandonnée au confort discret de la tache de spaghetti juste icitte, parce que j’ai cessé de m’apprêter pour aller prendre une marche.

Comme l’essentiel des maîtres et maîtresses, j’ai l’habitude que les gens s’arrêtent, l’instant d’un attendrissement canin ou d’une observation soutenue du miracle du transit d’un chien frisé aux muscles atrophiés. Sourires complices, small talk de type « oui c’est une vieille fille elle a quinze ans c’est toute ma vie ben oui l’aventure se termine bientôt hé! Hé! etc » (LAIISSEZ-MOI TRANQUILLE).

Un homme en Kanuk, donc un homme prestigieux, a croisé notre chemin, alors que Stella s’affairait à renifler la généalogie complète d’un frêne. Une enquête de la plus haute importance. De commerce agréable, comme il nous toisait de ses mirettes bienveillantes et turquoises, je lui souris. Un sourire rapide, comme ceux qu’on administre aux dames qui insistent cordialement pour asperger un petit rectangle de carton de Coco Mademoiselle et nous le remettre dans la plus haute urgence dans le hall d’entrée du La Baie. Un sourire poli qui me fut immédiatement rendu, formidable transaction n’exigeant aucun mot, ma sorte préférée. Il poursuivit son chemin.

C’est du moins ce que je croyais.

MY POOR CHILD.

Je me penchais pour ramasser le fruit du souper d’hier soir de mon enfant quand je sentis que derrière, il y avait présence. Nul besoin de sortir la planchette de Ouija, c’était le gars avec le Kanuk.

La soixantaine. Le regard Ralph Lauren.

C’est ainsi qu’il se pencha avec la prestance d’un duc pour m’adresser ces quelques mots :

  • SUCES-TU?

Un sourire.

Y’en n’a pas, de danger.

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